Article AKKRO MAGAZINE automne/hiver 2004-2005

Stress, fatigue, perte de repères personnels.
Jamais la célèbre citation de Montaigne
« un esprit sain dans un corps sain »
n’a été autant d¹actualité.
Magazine de loisirs, de sport et donc de santé,
Akkro s¹est penché sur ce besoin
de recentrer son énergie et cette nécessité
de trouver une harmonie et un équilibre intérieurs.
Serge Verdet, médecin
en médecine traditionnelle chinoise,
diplômé de l’université de médecine de Shanghai
et professeur à la Fédération Française de Hatha Yoga
, parle de cette médecine traditionnelle
vieille de 3 000 ans.

Quel cursus vous a conduit à la médecine traditionnelle chinoise ?
Serge Verdet : J’ai un parcours peu commun. Après des études scientifiques, mon caractère terre-à-terre m’a conduit de la physique nucléaire à la médecine chinoise en passant par le monde de l’industrie. Sans me l¹expliquer, très jeune je ressentais la présence et la circulation du « QI » ou si vous préférez de l’énergie.
Dès 12 ans je me suis mis à étudier le yoga et les arts martiaux.
Comment comprendre ces lois énergétiques sans passer par la médecine chinoise ? L’étudier devint pour moi une évidence. Cette approche de moi-même et du monde m’a conduit naturellement à une reconversion et j’ai ainsi ouvert il y a 8 ans à Annemasse mon cabinet Hydro Sino Santé et le SPA BioSina.
Mes séjours réguliers en Asie m’ont permis de perfectionner mon niveau, de faire des spécialisations en gynécologie, cardiologie, psychiatrie et neurologie.
Mes voyages réguliers en Chine sont indispensables pour rester compétent et garder le contact avec le «terrain hospitalier ». C’est aussi une façon de « se repiquer » aux sources de la médecine traditionnelle chinoise.

 

Qu’appelle-t-on médecine traditionnelle chinoise ?
SV : C’est une médecine complète, qui repose sur une méthode de diagnostic unique qui considère l’homme dans sa globalité. Elle recherche la cause des maladies en s’intéressant principalement à la circulation de l’énergie. La définition littérale de l’énergie ou « QI » donnée par Shanghai est celle « d’une chose invisible en mouvement permanent ».
Vous conviendrez que cette définition elle-même, pour nous occidentaux, nous laisse perplexe ! Cependant cette circulation du « QI », aussi étrange soit-elle, nous la sollicitons en permanence, que l’on fasse du sport, des arts martiaux ou que l’on pratique certaines techniques corporelles comme le « Tai chi chuan » ou le « Yoga ».
Un des axes très importants de cette médecine est son aspect préventif, alors que notre médecine occidentale est surtout curative.
Pour l’anecdote, les médecins chinois autrefois n’étaient payés que si les gens restaient en bonne santé ! Cette médecine en tant que telle est très peu connue en Occident car on ne connaît que l’acupuncture en règle générale.
Cependant les domaines de la pharmacologie ainsi que de la médecine manuelle sont incontournables. En Chine, en milieu hospitalier, cette médecine est pratiquée en même temps que la médecine allopathique classique, la complémentarité est extraordinaire : d’un coté une médecine d’urgence très technique et de l’autre une médecine préventive, d’approche globale, s’intéressant beaucoup à la chronicité des maladies.

 

En quoi consiste un traitement en médecine traditionnelle chinoise ?
SV : Il s’agit d’analyser le pouls, la langue et de respecter les quatre axes principaux d’examen que sont l’inspection, l’auscultation, l’interrogation et la palpation pour établir un bilan énergétique. Le traitement se fait soit en acupuncture et moxibustion, soit en pharmacopée, soit en médecine manuelle « Tuina ».

 

Qu’est ce que « la moxibustion » ?
SV : Acupuncture signifie « piquer » et moxibustion « brûler » au sens de réchauffer certaines parties du corps. Il s’agit de supprimer la pathologie en récréant la stabilité du réseau d’animation ou méridien qu¹emprunte le « QI ».

Qu¹appelez-vous « Tuina » ?
SV : Au même titre que l’acupuncture avec les aiguilles argentées ou la pharmacopée avec les plantes, le « Tuina » est une thérapie complète qui utilise cette fois la main comme intermédiaire avec le patient pour entrer en rapport avec les grands réseaux d’énergie, appelés aussi méridiens, qui parcourent l’individu. Grâce à des techniques ancestrales spécifiques de mobilisation et de palpation, le corps du patient pourra libérer ses tensions, ses stagnations et s’autoréguler.

Et la pharmacopée ?
SV : La pharmacopée s’appuie essentiellement à 90% sur des plantes, le reste se répartissant à raison de 5% animal et 5% minéral. En règle générale on utilise des plantes chinoises dont on analyse des critères très précis comme la nature, saveur etc. Ces plantes, extrêmement contrôlées sur le plan sanitaire, sont données sous diverses formes.

Peut-on dissocier les trois domaines de la médecine chinoise que sont l’acupuncture, la pharmacopée et la médecine manuelle ?
SV : On pourrait dissocier ces trois domaines, mais je pense qu¹il est préférable de les associer afin de potentialiser les soins. La raison en est simple : l’acupuncture agit vite mais moins profondément que la pharmacopée qui, elle, agit doucement mais sûrement ! Quant à la médecine manuelle, elle s¹inscrit parfaitement dans un système de prévention.

Est-il possible de modifier les comportements occidentaux face à la médecine préventive ?
SV : Il faudrait pour cela tenir compte de trois étapes ce qui pour moi correspond à une certaine démarche :
1 – chercher à comprendre son fonctionnement en demandant un diagnostic sur sa circulation énergétique, de préférence avant qu¹une pathologie ne se soit déclenchée !
2 – appliquer ce diagnostic à divers soins thérapeutiques pour une personnalisation à l’extrême même si nous sommes ici uniquement en prévention. Si nous prenons l’exemple du massage chinois, le « Tuina », il doit répondre à un axe thérapeutique précis. Il en est de même pour beaucoup d’éléments préventifs que nous connaissons, que ce soit le sport que nous pratiquons, ou les soins que nous recevons comme par exemple les drainages, en passant par la diététique que nous utilisons.
3 – s’éduquer sur son fonctionnement énergétique, mieux se connaître afin de définir son environnement et les techniques thérapeutiques propices à sa propre évolution.
On voit à travers ces trois étapes qu’on tend à amener les gens à être autonomes, à s’autogérer et modifier leur comportement. Prenons un exemple : une personne dépressive vient consulter. Cette même personne, croyant bien faire, cherche à évacuer son « hyper stress » chaque week-end en s’épuisant dans des activités
physiques intenses. La médecine traditionnelle chinoise va prendre en charge cette patiente et pourra lui démontrer que sa dépression tient plutôt d¹une notion de vide, et que son attitude de « course en avant » accentue son état dépressif. En l’occurrence, dans ce cas précis, le repos est de rigueur même si ponctuellement son activité sportive du week-end la soulage un tant soit peu. En conclusion nous interviendrons en priorité en curatif, par diagnostic précis et soins, puis, en préventif, avec divers soins, certes de confort, mais toujours très ciblés sur le plan thérapeutique.
La personne ayant été informée sur son fonctionnement au cours des traitements adaptera alors son mode de vie et ses activités en connaissance de cause.
Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que cette médecine chinoise passe par l’organique pour traiter les problèmes psychologiques et fait sans cesse ce lien pour comprendre ce qui se passe sur le plan émotionnel.

Quels sont les domaines d¹intervention de la médecine traditionnelle chinoise ?
La médecine chinoise étant une médecine en tant que telle, ils sont nombreux.
Mais, concernant notre approche sur l’application des 3 étapes (diagnostic précis pour les soins curatifs mais aussi préventif et information au patient) notre centre s’est spécialisé sur quelques grands secteurs.
– la gestion du stress : on ne s’attarde pas uniquement aux symptômes « classiques », comme les oppressions thoraciques, les palpitations, bref, tout ce qui est lié à un problème émotionnel. Nous essayons aussi de fournir des moyens concrets aux personnes pour gérer ce stress de la vie actuelle qui ne cesse d¹augmenter.
L’âge dépressif est en outre de plus en plus jeune ! L’adolescence ainsi que la ménopause restent des étapes critiques à gérer.
Nos techniques s’avèrent particulièrement adaptées pour gérer ces périodes de la vie où l’organe foie (siège de la spiritualité en médecine chinoise) prend toute son importance.
– la gestion du poids : nous offrons une réelle possibilité d’analyser et comprendre comment nous fonctionnons. Le « quand », « comment », et « pourquoi » de notre alimentation et de nos problèmes de poids !
– la gestion de la performance c’est à dire l’amélioration et l’optimisation de la santé, comme par exemple, pour ceux qui font de la compétition à haut niveau : on est alors dans la prévention absolue car on planifie exercices physiques, techniques de relaxation et régime diététique en liaison avec l’état énergétique de la personne.
On voit ainsi que la médecine chinoise est une médecine fonctionnelle, qu¹elle s’inscrit dans la durée et la continuité. J’insiste sur la vision holistique, c’est à dire globale, de la démarche. C¹est ce que nous proposons au cabinet Hydro Sino Santé pour la partie « médicalisée » et au SPA BioSina pour la partie réservée aux drainages, massages coréens, tuinas etc. Ensemble nous parlons tous le même langage énergétique.

Que vous apporte le yoga dans l¹exercice de votre métier ?
SV : Ce mode de vie me permet peut être de mieux comprendre les besoins de mes patients. Il aide, je pense, à définir et à suivre d¹autres valeurs de vie, si précieuses à mes yeux, pour une meilleure harmonie du corps et de l’esprit. Les cours donnés au cabinet sont davantage « spécialisés », j’entends par là spécifiquement adaptés à la
personne que j’ai en face de moi, alors que ceux que je dispense à Bonne, au Bonne Yoga Club, sont plus généraux.

Et pour finir comment envisagez-vous la médecine de demain ?
SV : Le but encore une fois, c’est de rendre les gens autonomes face à leur corps et son fonctionnement et de trouver ce qui est « bon » pour eux. La complémentarité des médecines est je pense LA solution pour une vision globale de la santé. Si nous voulons une prise de conscience du préventif, le patient a besoin de comprendre
comment il fonctionne et de trouver des soins qui correspondent parfaitement à sa problématique thérapeutique et là, l’énergétique chinoise est incontournable.